Ligue de la jeunesse communiste du Québec
Mars 2020
À l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie, célébrée depuis 1988 tous les 20 mars, la Ligue de la jeunesse communiste du Québec tient à saluer tous ceux et celles qui luttent pour maintenir vivante cette « Langue de France aux accents d’Amérique » au sein du Canada. Nous soulignons le rôle progressiste que jouent les minorités francophones du reste du Canada dans leur volonté de voir leurs droits linguistiques et culturels garantis.
Cette journée se déroule, en 2020, alors que la francophobie semble refaire surface. À l’automne 2018, le gouvernement Ford de l’Ontario a annoncé mettre fin à la construction de l’Université de l’Ontario français pour des raisons budgétaires. Si elle verra finalement le jour en 2021, c’est grâce à la mobilisation de centaines de milliers de franco-ontariens qui ont défendu leur droit à étudier dans leur langue l’an dernier. Au Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue du Canada, le parti « Alliance des gens » qui tient la balance du pouvoir a fait son entrée au parlement provincial l’an dernier grâce à sa promesse de s’attaquer aux droits des Acadien-nes francophones. Ottawa, la capitale du pays, n’est officiellement bilingue que depuis l’hiver 2018 et, pour que soit accepté ce changement, les francophones ont dû mener croix et bannière.
Les francophones du reste du Canada, bien qu’ils habitent un pays officiellement bilingue, doivent lutter pour préserver leur langue au quotidien. En 1971, 27,4% des francophones hors-Québec avaient adopté l’anglais comme langue courante. Ce chiffre s’élève à 39,8% pour l’année 2011 et la tendance est loin de s’inverser. Par exemple, le quartier de St-Boniface, autrefois cœur vibrant du Manitoba francophone, ne compte aujourd’hui plus que 30% de sa population qui se déclare francophone.
Autrement dit, la lutte pour les droits des minorités nationales francophones n’est pas une lubie, mais bien un impératif pour tous ceux et celles qui ont à cœur la défense des droits démocratiques et sociaux. Malgré l’abandon des lois empêchant l’usage du français depuis plusieurs décennies, il n’en demeure pas moins que l’assimilation des francophones est encore à l’ordre du jour pour certains secteurs les plus réactionnaires de la classe monopoliste.
Communistes, nous refusons de réduire la célébration de la francophonie aux descendants des enfants de la « Nouvelle-France ». La diversité des francophones du Canada n’est, depuis plusieurs années, plus à faire. L’apport des immigrant-es d’Afrique francophone, du Maghreb ou d’ailleurs est de plus en plus fondamentale dans la survie des communautés francophones à travers le pays. Penser que les différentes cultures francophones sont menacées par l’arrivée de personnes migrantes relève d’une aberration irrationnelle. C’est méprendre la proie pour l’ombre, car les vrais responsables, ce ne sont pas les travailleur-euses qui, fuyant la misère, la guerre et la destruction de leur environnement, s’établissent au Canada, mais bien la classe monopoliste du Canada – francophone comme anglophone – pour qui droits linguistiques et culturels n’ont pas droit de cité, sauf s’ils peuvent être source de profits.
Nous tenons également à mettre au clair ceci : défendre la francophonie au Canada comme dans le monde n’a rien à voir avec la défense de l’Organisation internationale de la francophonie, organisation néocolonialiste qui ne cherche qu’à intégrer les pays africains et asiatiques dans le giron de la Françafrique, de l’impérialisme français et d’autres pays comme le Canada, la Belgique et la Suisse. Que l’OIF ne soit plus ce qu’elle devait être (sur papier), une organisation promouvant la langue et la culture française, n’est un secret pour personne : au cours des dernières années, des pays comme le Qatar (qui n’a absolument aucun lien ni culturel ni linguistique avec la francophonie) sont devenus membres de l’OIF tandis que la Présidente de cette organisation, Mme Mushikiwabo représente le Rwanda, un pays dont l’administration a, il y a peu, à la fois joint le Commonwealth et opté pour l’anglais comme langue officielle.
Dans le cadre du Canada, défendre le français n’est pas synonyme d’impérialisme ni de racisme. Au contraire, il s’agit, contrairement à ce que certains, même dans certains milieux de gauche, affirment, d’un combat foncièrement progressiste puisqu’il s’attaque à la domination de la nation canadienne anglophone et souligne le caractère multi-national du pays. Célébrer la francophonie ne doit toutefois pas donner lieu à une déferlante de chauvinisme francophone, mais plutôt de souligner les luttes pour les droits linguistiques, politiques et culturels dont les francophones de partout au pays sont privés. Ces luttes ne doivent en aucun cas être opposées à celles que livrent les peuples et nations autochtones. Dans les deux cas, il s’agit de lutter contre l’oppression nationale dont sont victimes des millions de canadien-nes n’appartenant pas à la nation dominante.