Non à l’insolvabilité : la YCL-LJC en solidarité avec les étudiant-es et travailleur-ses de l’Université Laurentienne

Comité exécutif central, 16 mai 2021

L’insolvabilité d’une institution publique est une crise artificielle fabriquée par la classe dirigeante. L’encadrement de la faillite des entreprises, notamment par l’arrangement avec les créanciers, est un outil qui permet de s’assurer que les grandes banques sont remboursées en premier tandis que les pensions et les emplois sont supprimés. La décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dispose que l’Université Laurentienne, le troisième employeur en importance à Sudbury, peut « réduire ou cesser ses activités de façon permanente ou temporaire » et « mettre à pied ou licencier les employés pour lesquels elle juge que cela est approprié ». 

Nous avons vu de nombreuses insolvabilités et faillites dans le secteur privé piétiner la négociation collective par des licenciements massifs. Maintenant, la classe dirigeante tourne son arme vers le secteur public, qui a un taux de syndicalisation plus élevé et fournit des services sociaux essentiels. Il s’agit d’une évolution dangereuse pour tou-tes les travailleur-ses du Canada. La crise mondiale de la santé publique et l’aggravation de la dépression économique exigent l’élargissement de l’accès universel aux services sociaux. En tant que jeunes communistes, nous devons revendiquer des monopoles publics et lutter contre la marchandisation. 

Quant au mouvement étudiant, il est malheureux de constater que son opposition à la marchandisation de l’éducation en Ontario, mais également partout ailleurs au pays, est trop timide pour être en mesure d’engager la jeunesse dans une lutte conséquente contre les grandes entreprises et leur présence sur nos campus, pour la gratuité scolaire et pour une éducation démocratique et émancipatrice. 

Quoi qu’il en soit, à Sudbury comme ailleurs, il ne fait aucun doute que nous devrons nous confronter à ceux et celles qui tentent d’arrimer encore plus notre éducation aux besoins des monopoles capitalistes. En ce sens, l’Université Laurentienne, comme les Franco-Ontariens et les peuples autochtones en général, servent de cobayes, car pour quiconque sait lire entre les lignes, ce que la classe dirigeante essaie de lancer comme message à toutes les universités est clair : soit elles s’engagent à 100 % dans la voie de la marchandisation de l’éducation, soit elles font faillite. 

Le 12 avril dernier, cette université bilingue du nord de l’Ontario, pour des raisons financières, coupe 69 programmes dont 28 de langue française. Ces chiffres cachent pourtant une autre réalité : les programmes francophones sont amputés de 45 %, contre 20 % des programmes anglophones. Autrement dit, ce plan de restructuration lèse de façon disproportionnée les Franco-Ontariens (professeurs comme élèves, tout comme les habitant-es des communautés environnantes pour qui l’Université représente un facteur de dynamisation économique et culturelle local). 

« Le bilinguisme est mort à l’Université Laurentienne », lit-on dans un communiqué de l’Assemblée francophone de l’Ontario. La Ligue de la jeunesse communiste du Canada, en tant qu’organisation pan-canadienne qui défend les droits démocratiques collectifs des nations et des minorités nationales peuplant le pays, ne peut que joindre sa voix à ce constat. 

On ne peut par ailleurs faire abstraction du contexte dans lequel se produit cette situation, à savoir celui où le gouvernement Ford, en croisade contre les francophones de l’Ontario, a tenté, en 2018, de couper court à leur projet d’université francophone. N’eut été de leur mobilisation, qui n’est pas sans rappeler celle de la défense de l’Hôpital Montfort (seul hôpital francophone de la province), celle-ci aurait été mise au rancart. D’ailleurs, à quelques mois de l’ouverture officielle de cette université, il semble qu’une campagne de salissage ait été engagée, soulignant le peu d’inscriptions à l’Université de l’Ontario français (UOF) afin de tuer dans l’oeuf ce projet conquis grâce à des décennies de luttes des Franco-Ontariens sans tenir compte de la pandémie de COVID-19 et tout ce qu’elle implique. Clairement, le but ici était de discréditer le projet d’université francophone en Ontario et de s’en servir comme levier pour discréditer les institutions d’enseignement bilingue comme l’Université Laurentienne en mettant l’accent sur leur manque de rentabilité.

Autrement dit, on ne peut que constater à quel point la marchandisation de l’éducation en Ontario comme partout ailleurs au Canada exige l’assimilation. L’Université Laurentienne avait auparavant un mandat « tri-culturel », qui encourageait l’utilisation de l’Anishinaabemowin sur le campus, mais maintenant le programme d’études autochtones risque de perdre entièrement son financement. Alors que l’Ontario ferme une université bilingue et suspend l’épée de Damoclès au-dessus de l’UOF, au Québec, la population anglophone (au nombre comparable à celui des francophones de l’Ontario) a droit à deux universités exclusivement anglophones, une bilingue et sept CÉGEPs anglophones. De plus, il n’y a même pas une seule université centrée sur les peuples autochtones en Ontario, et les programmes d’études autochtones sont sous-financés et peu nombreux.

Évidemment, lorsque l’éducation devient une simple marchandise, elle n’est plus ni démocratique ni émancipatrice. Ainsi, langue comme qualité d’enseignement ne pèsent que peu dans la balance de cette vision capitaliste où l’éducation postsecondaire ne devrait servir que les intérêts capitalistes, où étudier n’est plus une activité émancipatrice, mais plutôt un prélude à l’aliénation capitaliste. 

Cette vision de l’éducation comme marchandise n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs décennies, les étudiant-es sont aux prises de cette vision néolibérale où entreprendre un cursus post-secondaire devient un investissement plutôt qu’un engagement. Depuis longtemps, l’éducation est une marchandise et non un service public. D’ailleurs, en Ontario, depuis quelques années déjà, les conseils d’administration d’universités sont composés d’une majorité de représentants d’acteurs des affaires. 

Or, à qui la faute? Aux universités? Aux gouvernements? Au mouvement étudiant? Si elle est partagée, il ne fait aucun doute que ce sont les différents gouvernements qui méritent d’être accusés. Le gouvernement fédéral en premier lieu pour la fin des paiements de transferts consacrés à l’éducation postsecondaire dans les années 1990, mais aussi les gouvernements provinciaux qui, peu à peu, réduisent les financements aux institutions d’enseignement et les forcent de ce fait à être gérées comme des entreprises. 

On ne peut effectivement pas oublier que nous nous trouvons, contrairement à ce que prétendent les commentateurs économiques bourgeois, en plein milieu d’une crise économique et que la classe dirigeante fait tout son possible pour en faire payer les frais par la jeunesse et les travailleur-ses. S’attaquer aux universités n’est qu’un volet d’un programme dans lequel le patronat est épargné et où la jeunesse paie le prix fort pour cette crise dont elle n’est pas responsable.